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Le duo Chicherit-Baumel : retour vers le futur

Fan de la série TV L’homme qui tombe à pic au point de rouler dans un pick-up Toyota d’Overdrive Racing à la déco inspirée de celle du cascadeur Colt Seavers, Guerlain Chicherit changera de scénario sur la troisième manche au Portugal. Fini la TV, place au cinéma avec un remake de Retour vers le futur ! Privé de son copilote habituel Alex Winocq, toujours convalescent suite à la réception brutale derrière une dune sur l’Abu Dhabi Desert Challenge, c’est Mathieu Baumel libéré par Nasser Al Attiyah depuis le dernier Dakar, qui sera à ses côtés. Ensemble, Chicherit-Baumel avaient fait leurs débuts en rallye-raid sur le Dakar 2005. En 2006, sur la course au départ de Lisbonne, les Français avaient signé leur première victoire d’étape et un Top 10 final. En 2009 après quatre Dakar, il y a 15 ans, le duo se séparait. Cette année-là, Guerlain était couronné sur la coupe du monde de rallye-raid lors de la finale du Transiberico. Mathieu partait rejoindre Yazeed Al Rajhi avant Carlos Sousa. Un nouveau départ pour chacun d’eux avec le Portugal en toile de fond… qui sera prochainement le théâtre de leurs retrouvailles le temps du BP Ultimate Rally-Raid Portugal. Troisième du classement provisoire à seulement 3 points de Nasser Al Attiyah (67 pts), Guerlain Chicherit (64 pts) va se présenter sur la prochaine manche avec la voiture et le copilote qui ont été des atouts majeurs dans les succès de son adversaire direct.

 

Dans quel contexte personnel est arrivée votre association en 2004 ?

G.C. : « En 2003 j’ai gagné le trophée Saxo T4. Quand tu le remportais, tu partais faire la saison en championnat du monde junior. Séb’ (Loeb) avait fait ça deux ou trois ans avant moi, avec la suite qu’on lui connait, j’ai eu un peu moins de réussite ! Fin 2003, j’étais sur le point de remporter le trophée et Citroën m’impose un copilote d’expérience en la personne de Michel Perrin pour me former en vue de la saison suivante. Je finis le trophée avec Michel et on attaque le championnat du monde 2004 mais après une ou deux courses, Michel rejoint Bruno Saby pour partir en rallye-raid avec Volkswagen. C’est à ce moment-là que j’ai cherché un copilote. Citroën m’a aidé à constituer une liste. Mathieu est l’un des premiers que j’ai vus et cela a matché tout de suite. Le côté humain était important et je ne me suis pas posé de questions. On a fait toute la saison ensemble avec des hauts et de bas, des résultats géniaux et beaucoup de casses de voiture. Mes débuts ont forgé ma réputation ! En fin de saison, Citroën ne souhaitait pas reconduire le contrat en raison des casses. On cherchait à se retourner et Mathieu m’a parlé du Volant Dakar, une nouveauté de l’édition 2005. On a remporté dix des douze épreuves et on l’a gagné. »

M.B. : « En 2004, je roulais en championnat de France avec Emmanuel Guigou pour Renault quand Guerlain Chicherit m’appelle pour me proposer de rouler en championnat du monde junior WRC. À l’époque, j’étais fou de ski, mon autre passion avec le rallye. J’étais moniteur de ski, Guerlain était un gars avec qui j’aurais rêvé de partager une journée sur les pistes. Pour moi c’était une super évolution. Je sortais de France pour aller rouler en mondial. Le junior était la catégorie juste après le WRC, et je me retrouvais à côté du mec qui me faisait rêver sur ses skis. Tout était positif, c’était génial à ce moment-là. Guerlain était très rapide, mais on avait pas mal de soucis mécaniques ou autres et on n’était pas forcément à la bonne place à la fin. À l’issue de la saison, Citroën nous dit que cela ne continuerait sûrement pas. On cherchait à se retourner et le hasard a fait que cette année-là je tombe sur une formule de promotion, le Volant Dakar, qui permettait de partir tous frais payés, avec un Bowler, sur le Dakar 2005. On sort vainqueurs et nous voilà partis au mois de janvier pour notre premier rallye-raid sur le Dakar, complètement novices. »

 

 « Le premier souvenir fort, c’est d’être à l’arrivée de notre premier Dakar. On était deux petits jeunes qui se battaient avec tous les tops pilotes et copilotes de l’époque, c’était presque comme si on avait remporté le Dakar pour nous ! »

 

Quel souvenir gardez-vous de votre séparation en 2009 ?

G.C. : « Après notre Dakar 2005, Sven Quandt nous a convoqués parmi quinze équipages pour faire des tests. C’est nous qui avons été retenus… on n’était pas les plus lents ! On termine le Dakar 2006 en 9e position, avec beaucoup de problèmes mécaniques sur le X3 qui était tout nouveau. Mais on gagne une étape et on termine sur le podium trois ou quatre fois aussi. En 2007, on arrive avec beaucoup d’heures de tests et d’ambitions, on est deux ou trois du général au Maroc quand on a un énorme accident. On allait beaucoup trop vite. 2009 est notre dernier Dakar. Mathieu avait tenu tête à Sven plusieurs fois et à un moment donné, ce-dernier l’a remercié. Mathieu ne s’est pas laissé faire. Nous, on ne voulait pas s’arrêter du tout. Je n’avais pas encore prouvé ma valeur, je n’étais pas chassé, donc j’ai subi. Je me suis retrouvé avec Tina Thorner avec laquelle j’ai remporté la coupe du monde cette année-là. »

M.B. : « Il y avait pas mal de petits soucis dans l’équipe, je ne me sentais plus vraiment à ma place, on ne nous laissait pas forcément faire ce que l’on voulait et la décision de nous séparer ne nous est pas revenue ni à lui, ni à moi. Cela n’a pas été facile car Guerlain était un super pote, c’était mon témoin de mariage à l’époque. Je commençais au même moment à rouler en rallye avec Yazeed Al Rajhi. C’était un nouveau step pour moi de copiloter avec des notes en anglais, dans d’autres pays et sur d’autres courses. J’ai switché de suite sur autre chose. C’est d’ailleurs là que j’ai emmené Yazeed sur son premier rallye-raid. La première édition du Hail Rally chez lui en Arabie Saoudite voyait le jour. Je connaissais la discipline, lui savait piloter sur ce terrain, on y est allé et on a gagné. »

 

Quels sont les souvenirs les plus forts de vos années ensemble ?

G.C. : « D’abord notre premier Dakar avec la spéciale où tout le monde est tombé en panne d’essence à trente bornes de l’arrivée. On a tous dormi dans le désert. C’est un souvenir assez dingue car on a roulé de nuit, il y avait des camions de partout, des véhicules retournés, un chantier ! Et après on a fait deux jours à la corde derrière un camion parce qu’on avait raté le ravitaillement, un souvenir terrible. En deux, c’est notre première victoire d’étape sur le Dakar, car elle était importante. Et en trois l’accident qui nous a bien marqués. J’ai mis du temps à rouler à la même vitesse. Je pense d’ailleurs que depuis je n’ai jamais roulé à la même vitesse. »

M.B. : « Le premier souvenir fort, c’est d’être à l’arrivée de notre premier Dakar. On a fait des très belles spéciales avec notre proto qui n’était pas du tout au niveau des Mitsubishi qui gagnaient tout à l’époque, on a dormi une nuit dans le désert, on a passé deux jours à la ficelle mais on arrive au Lac Rose après toutes ces galères en se disant qu’il fallait absolument être là pour la prochaine édition. C’est le début de la belle histoire. On arrive à rouler sur une BMW, une voiture de pointe, dès l’année suivante et cela correspond à notre première victoire d’étape pour notre deuxième Dakar. On était deux petits jeunes qui se battaient avec tous les tops pilotes et copilotes de l’époque, c’était presque comme si on avait remporté le Dakar pour nous ! On n’arrivait de nulle part, on n’avait aucune connaissance du désert, de la mécanique, on était novices complets et on a eu la chance que l’on nous fasse confiance. »

 

« Je vais être clair, ce ne sera qu’une pige avec Mathieu. Dans d’autres circonstances je ne me serais pas posé la question et j’aurais sauté sur l’occasion de le récupérer, mais je suis très content d'Alex qui est aussi un copilote extraordinaire »

 

Avez-vous cru dès le début à la carrière de l’autre ?

G.C. : « J’ai toujours considéré que Mathieu avait énormément de talent. C’est frustrant d’ailleurs que l’on n’ait pas pu faire carrière ensemble. Pour Mathieu, cela a été un mal pour un bien car notre séparation lui a permis de rebondir et de trouver un pilote avec un gros programme de roulage qui lui a permis de progresser. Avec Nasser, ils ont appris à se connaître et à obtenir cet équilibre qui en a fait l’équipage imbattable. On ne le dit peut-être pas assez, mais une bonne partie des victoires de Nasser sont aussi dues à Mathieu. Ils ont contribué l’un à l’autre à leurs palmarès. Ils se sont bien trouvés. »

M.B. : « J’étais admiratif de sa carrière à ski. Guerlain sautait de dix mètres d’une falaise pour atterrir sur tes jambes et tout était maîtrisé. Quand des gars performants dans des sports dangereux passent au sport automobile, on l’avait vu au travers d’autres champions comme Luc Alphand, ils arrivent rapidement à s’adapter car ils ont déjà les notions de risque, de vitesse et d’engagement. Tout indiquait qu’il avait les capacités pour réussir. Je n’aurais pas dit oui en 2004 si je ne pensais pas qu’il était capable de faire des résultats. Je croyais en lui en rallye comme en rallye-raid. Rétrospectivement, finir son premier rallye-raid en signant des belles petites performances et se faire remarquer pour être pilote officiel dans la foulée, c’était fantastique pour l’époque. Il n’y avait pas de jeune qui arrivait en rallye-raid en 2005. Vingt ans après, cela a évolué, mais à l’époque cela n’existait pas. »

 

Comment voyez-vous la suite de la carrière de l’autre ?

G.C. : « Je vais être clair, ce ne sera qu’une pige avec Mathieu. Dans d’autres circonstances je ne me serais pas posé la question et j’aurais sauté sur l’occasion de le récupérer, mais je suis très content d‘Alex qui est aussi un copilote extraordinaire que les gens ne connaissent pas car il n’a pas encore le palmarès de Mathieu. Je pense qu’Alex fait partie des trois meilleurs copilotes du plateau et que j’ai de la chance de l’avoir. Malheureusement il est blessé actuellement et c’est une super occasion de rouler à nouveau avec Mathieu. Mais on ne fera pas carrière ensemble, ça c’est sûr, à moins que… on ne sait jamais ce qui peut se passer. Mais Alex va remonter dans la voiture très vite. Pour Mathieu, c’est complexe car c’est le meilleur copilote du moment, il ne peut monter qu’avec un des quatre ou cinq meilleurs pilotes qui ont tous ont un équipier stable. Il peut reconstruire quelque chose avec un pilote qui vient d’une autre discipline, ou un Mattias Ekstrom qui a un potentiel impressionnant, ou un des jeunes qui arrivent, ce sont les seules pistes que je vois. »

M.B. : « Guerlain a beaucoup plus d’expérience et moins de fougue que vingt ans en arrière. On sait qu’en rallye-raid, plus tu as d’expérience et de kilomètres, meilleur est le résultat. Il a prouvé qu’il savait remporter des spéciales et gagner des courses en championnat du monde, il a monté une très belle structure qui lui permet de rouler avec une voiture performante, il a tout pour réussir et je lui souhaite. »

 

Et vous Mathieu, comment voyez-vous la suite de ta carrière ?

M.B. : « La manière dont cela s’est arrêté après le Dakar alors que la saison était lancée, que je ne m’y attendais pas, et sans réelle explication, ne s’inscrit pas dans un bon timing. Toutes les équipes ont leurs véhicules et leurs équipages engagés, ce n’est pas l’époque où tu peux switcher. J’ai deux options : rester au même niveau parmi les cinq meilleurs, ce qui signifie intégrer une équipe qui existe déjà où toutes les places sont prises, ou faire profiter de mon expérience à un pilote qui est juste derrière et à qui cela pourrait apporter le petit plus pour gravir les échelons et monter sur le podium. Aujourd’hui je n’ai aucune certitude, mais c’est en train de se faire, cela arrivera pour la fin d’année, cela ne peut pas se faire autrement. »

Guerlain Chicherit (45 ans, 3e du classement provisoire des pilotes W2RC 2024)

  • 2000-02-06-07 : Champion du monde de ski freeride
  • 2001 :première expérience en championnat de France des rallyes sur terre
  • 2003 : vainqueur du trophée Saxo T4
  • 2004 : championnat du monde junior de rallye, vainqueur du Volant Dakar
  • 2005 : 49e du Dakar 2005
  • 2006-2009 : officiel BMW X-raid
  • 2006 : 9e du Dakar, première victoire d’étape
  • 2007 : accident et abandon sur le Dakar
  • 2009 : 9e du Dakar, vainqueur de la coupe du monde de rallye-raid FIA
  • 2016 à 2022 : break avec rallye-raid
  • 13 Dakar au compteur, depuis 2014 avec Alex Winocq, meilleur résultat en 2024 avec la 4e place
  • 9e du classement pilote W2RC 2023
  • 3e du classement provisoire pilote W2RC 2024

 

Mathieu Baumel (48 ans, double champion du monde en titre des copilotes)

  • 1997 : première expérience en championnat de France des rallyes
  • 2002 : vainqueur du Volant Peugeot 206 avec Bryan Bouffier
  • 2003-04 : participation au championnat de France des rallyes
  • 2004 : championnat du monde junior de rallye, vainqueur du Volant Dakar
  • 2005 : 49e du Dakar 2005
  • 2006-2009 : officiel BMW X-raid
  • 2006 : 9e du Dakar, première victoire d’étape
  • 2007 : accident et abandon sur le Dakar
  • 2009 : 9e du Dakar
  • 2010 : copilote de Carlos Sousa
  • 2011 : copilote de Bernhard ten Brinke
  • 2012-2023 : copilote de Nasser Al Attiyah
  • 2015-19-22-23 : 4 x vainqueur du Dakar
  • 2015-23 : 8 x champion de rallye du Middle East
  • 2015-16-17-22 : 4 x vainqueur de la coupe du monde de rallye-raid FIA
  • 2022-23 : 2 x champion du monde W2RC